L'INDUSTRIE FRANÇAISE

ET LA

Concurrence Étrangère

Il est pénible d'avoir à le constater: à part notre industrie textile, qui met quelque vigueur à lutter contre la. concurrence étrangère, toutes nos grandes industries — celle du fer, celle du bois, comme celle des produits chimiques, etc. — font preuve d'une inertie dont il y a presque à désespérer de les voir sortir. L'activité qu'on pourrait appeler inventive ne leur manque pas; ce qui leur fait défaut, c'est l'activité commerciale. Conçoit-on, par exemple, que la brasserie allemande n'est florissante que parce qu'un Français a inventé les machines à glace, qu'il n'a pu en faire adopter l'usage par nos brasseurs et que nos voisins, moins naïfs, ont sauté sur cette découverte comme sur une mine d'or'.' Notre industrie textile seule, ou presque seule, s'est heureusement dégagée de l'esprit de routine dans lequel les autres restent encore enlisées. Espérons que le mouvement dont elle a pris la tête, que le sursum corda dont elle a donné le signal se généralisera. Lé salut de notre commerce d'exportationest à ce prix.

"Les chiffres suivants, tirés du Tableau du Commerce français en 1896. publié, le mois dernier, par la direction générale des Douanes, sont caractéristiques de la prospérité relative de notre fabrication textile, comparée à l'état de langueur de nos autres fabrications.

Nos importations de « fils et tissus» ont été de 185,365,000 fr. et nos exportations de 732,776,000, soit une différence en notre faveur de plus de 542 millions.

Ajoutons que ces exportations représentent le 21 1/2 pour cent de nos exportations totales, qui se sont élevées à 3,837,147,000 francs (céréales et vins compris).

Si l'on prend en bloc les exportations de nos industries autres que celles des « fils et tissus », on trouve un chiffre de 2,152,541,000 francs, inférieur de plus de 272 millions au chiffre des importations étrangères.

Pour nos industries autres que l'industrie textile, combien en est-il qui pourraient relever le chiffre de leurs affaires, si elles étaient, comme cette dernière, organisées et dirigées dans un esprit moins routinier que celui dans lequel elles restent confinées ! Je prends la métallurgie, par exemple, et constate, d'après le rapport de deux de nos ingénieurs, MM.. Pe(itjean et Guénot, publié par la « Commission des valeurs de douane », que « nos usines ne fabriquant pas les tôles épaisses de grande largeur, sont obligées d'aller les demander à l'étranger. C'est à peine — ajoute ce rapport — si elles peuvent rivaliser avec la concurrence étrangère pour les tôles minces de qualité exceptionnelle. » Cet exemple est assez significatif pour me dispenser d'en citer d'autres.

On peut dire, d'une façon générale, que celles de nos industries qui n'ont pas encore fléchi sous les coups de la concurrence, doivent uniquement leur force de résistance à un fait indépendant de leur organisation : à savoir qu'elles constituent en quelque sorte des spécialités auxquelles l'habileté, la dextérité et le bon goût de la main-d'oeuvre française, dans toute l'acceptation de ce mot, assurent une supériorité que l'étranger ne peut atteindre. Telles sont les « plumes et parures », et les « fleurs artificielles » dont, les exportations se sont élevées ensemble à 23 millions environ, en Angleterre, à une vingtaine de millions aux Etals-Unis. Mais, pour revenir à mon sujet, à quoi tient la résistance, souvent victorieuse, que notre industrie textile oppose à la fabrication allemande, anglaise, américaine; suisse, etc.. ?

Cela tient évidemment à ce qu'elle ne s'est pas renfermée, comme les autres, dans sa tour d'ivoire, qu'elle a marché avec le temps, qu'elle a suivi les goûts et les besoins de la clientèle, qu'elle s'est commercialisée, suivant la forte expression dont j'ai, précédemment, défini la signification Mais cela tient aussi à ce qu'elle dispose, par elle-même et en propre, des capitaux considérables qu'elle emploie à améliorer son outillage, à perfectionner sa production, à s'implanter sur les marchés extérieurs, tandis que ces capitaux manquent aux autres industries, vis-à-vis desquelles ils se montrent craintifs à l'excès. Je ne parle pas des Sociétés minières, dont l'exploitation est souvent matière à spéculation; ni de l'industrie métallurgique, qui table sur l'excessive protection douanière dont elle bénéficie, pour s'assurer la possession exclusive de notre marché intérieur, et qui ne fait passer qu'en dernière ligne l'exploitation des marchés étrangers.

Je n'entends parler que des industries qui restent — pour ainsi dire — soumises au droit commun, c'est-à-dire sans autre protection que celle que leur procurent les tarifs douaniers appliqués à l'entrée, en France, des articles étrangers similaires à ceux qu'elles produisent, sans prime de sortie, ni autre avantage exceptionnel : celles du meuble, de la verrerie, de l'horlogerie, delà pelleterie, de la carrosserie, des produits chimiques, des articles dits de Paris, etc., etc.

Imagine-t-on l'impulsion qui leur aurait été donnée, si les centaines de millions qui ont été s'engouffrer, hors de France, dans des placements aventurés, avaient servi à les commanditer ? Pour ces industries si variées, il n'y a pas de relèvement à espérer tant que nos capitaux fuiront les entreprises productives pour s'engagervdans des affaires de pure spéculation. De là, la nécessité de retirer ces capitaux, en France, par une meilleure organisation du crédit.

Le jour où ils se sentiront soutenus par le capital, en proportion de leurs moyens, nos fabricants, nos commerçants, nos exportateurs se départiront dans leurs opérations de leur étroitesse de vues et de leur pusillanimité, qu'ils prennent pour de la prudence et de la sagesse, et dont le résultat est de laisser le champ trop libre à l'envahissement de laurs concurrents.

C'est, en réalité, tout notre organisme industriel, commercial et même financier qu'il .nous faut réformer. En ce moment, nous sommes en train de livrer à la concurrence étrangère, non seulement la place que nous occupons encore, pour quelques-uns de nos produits, sur les marchés étrangers, mais la^etefesjnôme de nos maisons. Pour continuer à procéder a|y$Wfi^emples, voici un fait singulièrement... démonswiftf de^ftlpuissance des moyens d'action que les AllemaMg [mssèïmit jusque Chez nous et contre nous. \Q> s* J&l

Il y a un an, unv^tgtakKyU de l'Amérique du Sud voulut entréprendre l'imporllsWri, on France et en Allemagne, des peaux d'agneaux du pays. Il fut abouché, à cet effet, par les soins officieux de notre consul et de notre ministère de commerce, avec une de nos maisons de commission. Le négociant américain fit alors un envoi de 20,000 peaux à cette maison française et, simultanément, un envoi égal à une maison allemande de Hambourg, avec laquelle il s'était entendu. L'année écoulée, les deux maisons lui adressèrent leur compte de vente. La première avait éprouvé tant de difficultés à vendre la marchandise et avait dû consentir à des prix si bas que l'opération se traduisait par une perte

de 10 pour cent, à la charge de l'expéditeur. Plus active et mieux outillée, la maison allemande avait liquidé la même marchandise avec un bénéfice de 12 pour cent. Et c'est en cela que le fait est caractéristique : c'est en France même qu'elle en a trouvé le placement. Tout commentaire serait superflu.

Si, de l'ordre des faits, nous passons à celui des idées, nous trouvons le même désarroi. Chaque industrie veut être protégée, c'est entendu. Mais cela ne veut pas dire que chacune veuille la protection pour les autres. Nous voyons, dans les conseils supérieurs de la protection, les filateurs faire cause commune avec les éleveurs, les fabricants de fromages s'p.llier avec les maîtres de forges, les industries les plus diverses former une sorte de macédoine pour un pétitionnement commun.

Cela signifle-t-il que les industriels se félicitent de voir taxer les produits agricoles et que les agriculteurs se réjouissent des taxes qui frappent les produits manufacturés? C'est le contraire qui est vrai. Les fabricants de peaux ouvrées ne veulent pas du tarif des peaux brutes ; les tisseurs de soie et leurs ouvriers repoussent tout droit sur les soies grèges, etc.

Ce ne sont pas seulement les industriels, qui, à titre privé

se font les initiateurs de voeux contradictoires, ce sont parfois aussi des corps autorisés. Nous avons vu à peu de mois d'intervalle, la chambre de commerce du Havre patronner avec chaleur deux adresses au ministère ; ce n'étaient pas les mêmes signatures, mais c'était la même chambre. La première se plaignait, à juste raison et à bon droit, d'ailleurs, de ce que beaucoup de navires désertaient le Havre pour Anvers, où les marchandises étaient attirées par des. tarifs avantageux sur les chemins de fer, et demandait des tarifs analogues de pénétration et de transit qui facilitassent l'entrée du continent par le Havre. La seconde adresse se plaignait de ce que ie. cabotage du Havre était ruiné par certains tarifs de pénétration récemment établis, et demandait qu'on les abolît tous. Armateurs caboteurs et armateurs au long cours prêchent ainsi chacun pour leur saint.

Mais que deviennent, dans cette discussion, les intérêts généraux de notre commerce extérieur? On ne les envisage que par rapport à des intérêts particuliers ou locaux, et on arrive à ne rien résoudre.

Si quantité d'industriels et, de commerçants français désertent peu à peu nos ports, s'ils envoient, leurs produits par chemins de fer à Anvers où à Hambourg, d'où on les exporte en Amérique, en Asie ou en Afrique", c'est d'abord par la raison que les tarifs des chemins de fer français sont moins élevés pour les transports a l'étranger, à distance égale, que oour les transports à l'intérieur; c'est ensuite parce que le fret, dans les ports étrangers est de beaucoup inférieur à celui des ports français. En voici des exemples typiques :

Un industriel adernièrement expédié, de Paris à Bordeaux, un v agon chargé de divers articles de serrurerie d'art. Le transport, par chemin de fer, lui a coûté près de 500 francs pour une distance de moins de 600 kilomètres. Pour un prix inférieur de moitié, ce même wagon aurait traversé toute l'Allemagne, soit, plus de 1,500 kilomètres.

D'autre part, une tonne de marchandises, ctiargée à Bordeaux pour Hambourg, sur un navire français, coûte de 30 à 35 francs. Cette même tonne, chargée à Hambourg pour le Japon, coûte le même prix, et la distance est décuple.

Le simple bon sens suffit à indiquer que ces questions de tarifs de chemins de fer et de fret maritime sont connexes à celles de notre commerce extérieur. Il y a, dès lors, absurdité à prétendre les régler séparément, et surtout clans des idées divergentes.

Notre grand mal est que nous n'avons pas de politique commerciale déterminée. Nous allons de droite à gauche, en croyant pouvoir remédier, par des expédients de douane, è une crise économique qui n'est que le résultat d'une évolution générale. L'ancien ordre de choses sur lequel nous avons vécu, jusqu'à présent, devait fatalement être bouleversé par la vapeur, l'électricité, les progrès des machines, etc. Il n'a plus sa raison d'être. Les conditions des relations internationales se sont transformées et le système n'a pas changé. Malgré les droits de douane, les taxes et les surtaxes, tous les marchés tendent à se confondre, et les prix des marchandises à s'unifier et à être partout les mêmes.

Les nations modernes s'appliquent à se suffire à ellesmêmes.

Nous sommes entrés les premiers dans la voie protectionniste à outrance. Nous avons donné un exemple qui a été suivi. Aussi voyons-nous aujourd'hui l'Angleterre, abjurant ses vieilles doctrines libre-échangistes, se tourner vers le protectionnisme, accélérer son évolution et chercher à constituer, entre ses colonies et la métropole, une ligue douanière qui, bien qu'elle vise directement et spécialement la concurrence allemande, ne peut être pour nous qu'un nouveau danger. Nous voyons aussi les Etats-Unis dresser aux frontières de l'Amérique du Nord une barrière qui dépasse ce qu'on avait jusqu'ici imaginé de plus monstrueux.

C'est plus qu'une lutte, c'est une guerre industrielle qui s'engage entre tous les peuples" producteurs et manufacturiers. 11 en sortira un ordre de choses nouveau dont on n'aperçoit pas bien la forme, mais dont on peut dire sûrement qu'il restaurera, sur des bases nouvelles, les ruines qu'il aura laissées derrière lui.

Alors, seulement, nous verrons la fin de la situation actuelle qui se manifeste — ainsi que je l'écrivais, en commençant cette étude — ici, par des excès de production, là par des krachs financiers, ailleurs par des difficultés politiques, par des conflits aigus entre patrons et ouvriers, par un dangereux malaise social et des crises profondes.

Le vieil édifice s'écroule. Il ne suffit pas de le restaurer ; il faut le rebâtir. Pour cela, ramassons nos forces, réformons notre outillage, sortons de notre routine et refaisons notre éducation commerciale et industrielle.

(Le Journal.)

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Contenu textuel de l'image : ET LA
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Contenu textuel de l'image : Il est pénible d'avoir à le constater: à part notre industrie textile, qui met quelque vigueur à lutter contre la. concurrence étrangère, toutes nos grandes industries — celle du fer, celle du bois, comme celle des produits chimiques, etc. — font preuve d'une inertie dont il y a presque à désespérer de les voir sortir. L'activité qu'on pourrait appeler inventive ne leur manque pas; ce qui leur fait défaut, c'est l'activité commerciale. Conçoit-on, par exemple, que la brasserie allemande n'est florissante que parce qu'un Français a inventé les machines à glace, qu'il n'a pu en faire adopter l'usage par nos brasseurs et que nos voisins, moins naïfs, ont sauté sur cette découverte comme sur une mine d'or'.' Notre industrie textile seule, ou presque seule, s'est heureusement dégagée de l'esprit de routine dans lequel les autres restent encore enlisées. Espérons que le mouvement dont elle a pris la tête, que le sursum corda dont elle a donné le signal se généralisera. Lé salut de notre commerce d'exportationest à ce prix.
Contenu textuel de l'image : "Les chiffres suivants, tirés du Tableau du Commerce français en 1896. publié, le mois dernier, par la direction générale des Douanes, sont caractéristiques de la prospérité relative de notre fabrication textile, comparée à l'état de langueur de nos autres fabrications.
Contenu textuel de l'image : Nos importations de « fils et tissus» ont été de 185,365,000 fr. et nos exportations de 732,776,000, soit une différence en notre faveur de plus de 542 millions.
Contenu textuel de l'image : Ajoutons que ces exportations représentent le 21 1/2 pour cent de nos exportations totales, qui se sont élevées à 3,837,147,000 francs (céréales et vins compris).
Contenu textuel de l'image : Si l'on prend en bloc les exportations de nos industries autres que celles des « fils et tissus », on trouve un chiffre de 2,152,541,000 francs, inférieur de plus de 272 millions au chiffre des importations étrangères.
Contenu textuel de l'image : Pour nos industries autres que l'industrie textile, combien en est-il qui pourraient relever le chiffre de leurs affaires, si elles étaient, comme cette dernière, organisées et dirigées dans un esprit moins routinier que celui dans lequel elles restent confinées ! Je prends la métallurgie, par exemple, et constate, d'après le rapport de deux de nos ingénieurs, MM.. Pe(itjean et Guénot, publié par la « Commission des valeurs de douane », que « nos usines ne fabriquant pas les tôles épaisses de grande largeur, sont obligées d'aller les demander à l'étranger. C'est à peine — ajoute ce rapport — si elles peuvent rivaliser avec la concurrence étrangère pour les tôles minces de qualité exceptionnelle. » Cet exemple est assez significatif pour me dispenser d'en citer d'autres.
Contenu textuel de l'image : On peut dire, d'une façon générale, que celles de nos industries qui n'ont pas encore fléchi sous les coups de la concurrence, doivent uniquement leur force de résistance à un fait indépendant de leur organisation : à savoir qu'elles constituent en quelque sorte des spécialités auxquelles l'habileté, la dextérité et le bon goût de la main-d'oeuvre française, dans toute l'acceptation de ce mot, assurent une supériorité que l'étranger ne peut atteindre. Telles sont les « plumes et parures », et les « fleurs artificielles » dont, les exportations se sont élevées ensemble à 23 millions environ, en Angleterre, à une vingtaine de millions aux Etals-Unis. Mais, pour revenir à mon sujet, à quoi tient la résistance, souvent victorieuse, que notre industrie textile oppose à la fabrication allemande, anglaise, américaine; suisse, etc.. ?
Contenu textuel de l'image : Cela tient évidemment à ce qu'elle ne s'est pas renfermée, comme les autres, dans sa tour d'ivoire, qu'elle a marché avec le temps, qu'elle a suivi les goûts et les besoins de la clientèle, qu'elle s'est commercialisée, suivant la forte expression dont j'ai, précédemment, défini la signification Mais cela tient aussi à ce qu'elle dispose, par elle-même et en propre, des capitaux considérables qu'elle emploie à améliorer son outillage, à perfectionner sa production, à s'implanter sur les marchés extérieurs, tandis que ces capitaux manquent aux autres industries, vis-à-vis desquelles ils se montrent craintifs à l'excès. Je ne parle pas des Sociétés minières, dont l'exploitation est souvent matière à spéculation; ni de l'industrie métallurgique, qui table sur l'excessive protection douanière dont elle bénéficie, pour s'assurer la possession exclusive de notre marché intérieur, et qui ne fait passer qu'en dernière ligne l'exploitation des marchés étrangers.
Contenu textuel de l'image : Je n'entends parler que des industries qui restent — pour ainsi dire — soumises au droit commun, c'est-à-dire sans autre protection que celle que leur procurent les tarifs douaniers appliqués à l'entrée, en France, des articles étrangers similaires à ceux qu'elles produisent, sans prime de sortie, ni autre avantage exceptionnel : celles du meuble, de la verrerie, de l'horlogerie, delà pelleterie, de la carrosserie, des produits chimiques, des articles dits de Paris, etc., etc.
Contenu textuel de l'image : Imagine-t-on l'impulsion qui leur aurait été donnée, si les centaines de millions qui ont été s'engouffrer, hors de France, dans des placements aventurés, avaient servi à les commanditer ? Pour ces industries si variées, il n'y a pas de relèvement à espérer tant que nos capitaux fuiront les entreprises productives pour s'engagervdans des affaires de pure spéculation. De là, la nécessité de retirer ces capitaux, en France, par une meilleure organisation du crédit.
Contenu textuel de l'image : Le jour où ils se sentiront soutenus par le capital, en proportion de leurs moyens, nos fabricants, nos commerçants, nos exportateurs se départiront dans leurs opérations de leur étroitesse de vues et de leur pusillanimité, qu'ils prennent pour de la prudence et de la sagesse, et dont le résultat est de laisser le champ trop libre à l'envahissement de laurs concurrents.
Contenu textuel de l'image : C'est, en réalité, tout notre organisme industriel, commercial et même financier qu'il .nous faut réformer. En ce moment, nous sommes en train de livrer à la concurrence étrangère, non seulement la place que nous occupons encore, pour quelques-uns de nos produits, sur les marchés étrangers, mais la^etefesjnôme de nos maisons. Pour continuer à procéder a|y$Wfi^emples, voici un fait singulièrement... démonswiftf de^ftlpuissance des moyens d'action que les AllemaMg [mssèïmit jusque Chez nous et contre nous. \Q> s* J&l
Contenu textuel de l'image : Il y a un an, unv^tgtakKyU de l'Amérique du Sud voulut entréprendre l'imporllsWri, on France et en Allemagne, des peaux d'agneaux du pays. Il fut abouché, à cet effet, par les soins officieux de notre consul et de notre ministère de commerce, avec une de nos maisons de commission. Le négociant américain fit alors un envoi de 20,000 peaux à cette maison française et, simultanément, un envoi égal à une maison allemande de Hambourg, avec laquelle il s'était entendu. L'année écoulée, les deux maisons lui adressèrent leur compte de vente. La première avait éprouvé tant de difficultés à vendre la marchandise et avait dû consentir à des prix si bas que l'opération se traduisait par une perte
Contenu textuel de l'image : de 10 pour cent, à la charge de l'expéditeur. Plus active et mieux outillée, la maison allemande avait liquidé la même marchandise avec un bénéfice de 12 pour cent. Et c'est en cela que le fait est caractéristique : c'est en France même qu'elle en a trouvé le placement. Tout commentaire serait superflu.
Contenu textuel de l'image : Si, de l'ordre des faits, nous passons à celui des idées, nous trouvons le même désarroi. Chaque industrie veut être protégée, c'est entendu. Mais cela ne veut pas dire que chacune veuille la protection pour les autres. Nous voyons, dans les conseils supérieurs de la protection, les filateurs faire cause commune avec les éleveurs, les fabricants de fromages s'p.llier avec les maîtres de forges, les industries les plus diverses former une sorte de macédoine pour un pétitionnement commun.
Contenu textuel de l'image : Cela signifle-t-il que les industriels se félicitent de voir taxer les produits agricoles et que les agriculteurs se réjouissent des taxes qui frappent les produits manufacturés? C'est le contraire qui est vrai. Les fabricants de peaux ouvrées ne veulent pas du tarif des peaux brutes ; les tisseurs de soie et leurs ouvriers repoussent tout droit sur les soies grèges, etc.
Contenu textuel de l'image : Ce ne sont pas seulement les industriels, qui, à titre privé
Contenu textuel de l'image : se font les initiateurs de voeux contradictoires, ce sont parfois aussi des corps autorisés. Nous avons vu à peu de mois d'intervalle, la chambre de commerce du Havre patronner avec chaleur deux adresses au ministère ; ce n'étaient pas les mêmes signatures, mais c'était la même chambre. La première se plaignait, à juste raison et à bon droit, d'ailleurs, de ce que beaucoup de navires désertaient le Havre pour Anvers, où les marchandises étaient attirées par des. tarifs avantageux sur les chemins de fer, et demandait des tarifs analogues de pénétration et de transit qui facilitassent l'entrée du continent par le Havre. La seconde adresse se plaignait de ce que ie. cabotage du Havre était ruiné par certains tarifs de pénétration récemment établis, et demandait qu'on les abolît tous. Armateurs caboteurs et armateurs au long cours prêchent ainsi chacun pour leur saint.
Contenu textuel de l'image : Mais que deviennent, dans cette discussion, les intérêts généraux de notre commerce extérieur? On ne les envisage que par rapport à des intérêts particuliers ou locaux, et on arrive à ne rien résoudre.
Contenu textuel de l'image : Si quantité d'industriels et, de commerçants français désertent peu à peu nos ports, s'ils envoient, leurs produits par chemins de fer à Anvers où à Hambourg, d'où on les exporte en Amérique, en Asie ou en Afrique", c'est d'abord par la raison que les tarifs des chemins de fer français sont moins élevés pour les transports a l'étranger, à distance égale, que oour les transports à l'intérieur; c'est ensuite parce que le fret, dans les ports étrangers est de beaucoup inférieur à celui des ports français. En voici des exemples typiques :
Contenu textuel de l'image : Un industriel adernièrement expédié, de Paris à Bordeaux, un v agon chargé de divers articles de serrurerie d'art. Le transport, par chemin de fer, lui a coûté près de 500 francs pour une distance de moins de 600 kilomètres. Pour un prix inférieur de moitié, ce même wagon aurait traversé toute l'Allemagne, soit, plus de 1,500 kilomètres.
Contenu textuel de l'image : D'autre part, une tonne de marchandises, ctiargée à Bordeaux pour Hambourg, sur un navire français, coûte de 30 à 35 francs. Cette même tonne, chargée à Hambourg pour le Japon, coûte le même prix, et la distance est décuple.
Contenu textuel de l'image : Le simple bon sens suffit à indiquer que ces questions de tarifs de chemins de fer et de fret maritime sont connexes à celles de notre commerce extérieur. Il y a, dès lors, absurdité à prétendre les régler séparément, et surtout clans des idées divergentes.
Contenu textuel de l'image : Notre grand mal est que nous n'avons pas de politique commerciale déterminée. Nous allons de droite à gauche, en croyant pouvoir remédier, par des expédients de douane, è une crise économique qui n'est que le résultat d'une évolution générale. L'ancien ordre de choses sur lequel nous avons vécu, jusqu'à présent, devait fatalement être bouleversé par la vapeur, l'électricité, les progrès des machines, etc. Il n'a plus sa raison d'être. Les conditions des relations internationales se sont transformées et le système n'a pas changé. Malgré les droits de douane, les taxes et les surtaxes, tous les marchés tendent à se confondre, et les prix des marchandises à s'unifier et à être partout les mêmes.
Contenu textuel de l'image : Les nations modernes s'appliquent à se suffire à ellesmêmes.
Contenu textuel de l'image : Nous sommes entrés les premiers dans la voie protectionniste à outrance. Nous avons donné un exemple qui a été suivi. Aussi voyons-nous aujourd'hui l'Angleterre, abjurant ses vieilles doctrines libre-échangistes, se tourner vers le protectionnisme, accélérer son évolution et chercher à constituer, entre ses colonies et la métropole, une ligue douanière qui, bien qu'elle vise directement et spécialement la concurrence allemande, ne peut être pour nous qu'un nouveau danger. Nous voyons aussi les Etats-Unis dresser aux frontières de l'Amérique du Nord une barrière qui dépasse ce qu'on avait jusqu'ici imaginé de plus monstrueux.
Contenu textuel de l'image : C'est plus qu'une lutte, c'est une guerre industrielle qui s'engage entre tous les peuples" producteurs et manufacturiers. 11 en sortira un ordre de choses nouveau dont on n'aperçoit pas bien la forme, mais dont on peut dire sûrement qu'il restaurera, sur des bases nouvelles, les ruines qu'il aura laissées derrière lui.
Contenu textuel de l'image : Alors, seulement, nous verrons la fin de la situation actuelle qui se manifeste — ainsi que je l'écrivais, en commençant cette étude — ici, par des excès de production, là par des krachs financiers, ailleurs par des difficultés politiques, par des conflits aigus entre patrons et ouvriers, par un dangereux malaise social et des crises profondes.
Contenu textuel de l'image : Le vieil édifice s'écroule. Il ne suffit pas de le restaurer ; il faut le rebâtir. Pour cela, ramassons nos forces, réformons notre outillage, sortons de notre routine et refaisons notre éducation commerciale et industrielle.
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